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Le parc marin de la Côte Bleue, Frédéric Bachet*

Une aire marine protégée (AMP) existe en Provence depuis le début des années 1980. À l’origine, une expérimentation locale forte d’une coopération avec les collectivités territoriales et la pêche professionnelle…

*Frédéric Bachet est l’ancien directeur du parc marin de la Côte Bleue

Le parc marin de la Côte Bleue est le fruit d’une initiative des collectivités territoriales dont l’origine remonte à un programme de « développement de l’aquaculture et de gestion des ressources vivantes de la mer » voté par la région ProvenceAlpes-Côte d’Azur en 1981. Ce programme proposait la création de zones marines protégées, de récifs artificiels et l’étude d’un statut, nouveau, de parc naturel régional à vocation maritime. Sa vocation halieutique prônait à la base une participation des pêcheurs professionnels. Les communes de la Côte Bleue et le département (Bouches-du-Rhône) ont suivi en 1983, en créant une association entre ces collectivités et, dès l’origine, avec les organisations professionnelles de la pêche. C’est ainsi qu’ont été créées la réserve de Carry-le-Rouet (1983) et celle de Martigues (1996), sous la forme juridique de cantonnements de pêche maritime. Ces « concessions de cultures marines » devant l’ensemble de la Côte Bleue furent soutenues entre 1983 et 2004 sur fonds européens (Fonds européen d’orientation et de garantie agricole [FEOGA], Fonds européen de développement régional [FEDER] et Pesca). Des stages de découverte pour les scolaires ont débuté dès 1984. Leur objectif est que chaque enfant scolarisé sur la Côte Bleue puisse y participer au moins une fois.

LES ÉVOLUTIONS DES ANNÉES 2000

À la fin des années 1990, les élus des collectivités ont souhaité pérenniser cette coopération en évoluant vers un statut d’établissement public. L’expérience se poursuit donc depuis 2000 dans le cadre d’un syndicat mixte, qui représente un engagement fort des collectivités en faveur de la politique mise en place et qui associe toujours les organisations profes sionnelles de la pêche. C’est à partir de cette évolution statutaire que l’expérience s’est stabilisée avec l’augmentation des effectifs (de 2 à 7 agents permanents actuellement) et la mise à disposition de locaux adaptés à Carry-le-Rouet.

Le parc marin de la Côte Bleue s’est aussi doté d’un plan de gestion pour programmer, organiser et rendre lisible son action. Des récifs artificiels de production et des récifs de protection contre le chalutage côtier illégal ont été immergés.

Ce sont aussi les résultats obtenus sur le terrain, perceptibles par les usagers, attestés par différents suivis scientifiques, qui ont permis de pérenniser cette expérience, au prix d’un très fort investissement dans la présence sur le terrain et la surveillance des réserves, qui mobilise quelque 2 500 heures par an les agents et saisonniers du parc, présents tous les jours de l’année sur les réserves.

Les services de l’État ont considéré en 2008 que le syndicat mixte Parc marin de la Côte Bleue était l’interlocuteur légitime pour la mise en place d’un des premiers comités de pilotage pour la relance de nouvelles zones Natura 2000 marines. Le syndicat mixte a donc été désigné opérateur et, depuis 2014, animateur du site Côte Bleue marine (voir carte). En 2012, le parc marin de la Côte Bleue a obtenu le label d’ASPIM (Aire spécialement protégée d’importance méditerranéenne), attribué selon un certain nombre de critères répondant aux objectifs du protocole « Aires protégées » du plan d’action pour la Méditerranée (convention de Barcelone).

Enfin, en 2018, le parc marin de la Côte Bleue a été inscrit sur la liste verte des aires protégées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il s’agit d’un véritable processus de certification selon des standards internationaux visant à reconnaître l’efficacité de la gestion dans les aires protégées, terrestres ou marines. La liste verte représente, par opposition aux listes rouges de l’UICN (espèces menacées, en voie d’extinction…), une approche positive visant à encourager les succès de conservation, quel que soit le statut de l’aire considérée.

LA COCONSTRUCTION AVEC LA PÊCHE PROFESSIONNELLE

Le parc a permis d’accumuler une expérience certaine en matière de connaissance de l’effet réserve, de récifs artificiels et de suivi du milieu, et a intégré ainsi plusieurs programmes d’étude ou de recherche de niveau national et européen. Parallèlement, depuis de nombreuses années, aux côtés de quelques rares autres AMP, le parc a plaidé en faveur d’un modèle de gestion intégrant les enjeux de la pêche professionnelle des petits métiers, mettant en avant les intérêts communs et les possibilités de synergie.

Ce modèle est maintenant très largement reconnu et documenté, notamment par des programmes d’étude européens (Interreg réunissant onze AMP dans six pays du nord de la Méditerranée). Il s’agissait au départ de tester et d’évaluer des scénarios impliquant les pêcheurs professionnels et permettant d’optimiser la gestion et les résultats obtenus dans les aires marines protégées.

La pêche artisanale est donc une composante déterminante des travaux et des avancées qui ont pu être réalisés. On peut parler véritablement de coconstruction dans les cas suivants :

  • 1. Le cantonnement de Martigues, créé sur proposition des pêcheurs professionnels ; en 1993, les représentants du CLPM (comité local des pêches maritimes) et de la prud’homie de pêche de Martigues ont fait la présentation publique du projet devant la population du secteur concerné de Carro-la-Couronne.
  • 2.Le renouvellement périodique des arrêtés de cantonnement, qui se fait avec l’accord du comité régional des pêches maritimes; en 2014, les pêcheurs ont estimé que les deux réserves n’étaient plus à remettre en question, et la reconduction de l’arrêté ministériel s’est faite sans durée limitée.
  • 3.Les installations de récifs artificiels ont été réalisées en accord avec les professionnels ou à leur demande, particulièrement pour ce qui concerne les obstacles au chalutage dans la bande côtière.
  • 4. Le CLPM de Martigues était partie civile, aux côtés du syndicat mixte Parc marin de la Côte Bleue, dans une affaire de chalutage par un navire du quartier dans la bande côtière et en réserve; portée devant les tribunaux en 2006, cette affaire aboutit en appel en 2009 sur une sanction significative, jusqu’alors peu fréquente dans les Bouches-du-Rhône.
  • 5.Le suivi des peuplements d’oursins dans les zones exploitées, deux fois par an depuis 1994, permet de disposer d’un indicateur des tendances de cette ressource importante pour la Côte Bleue. Cet outil est au service des professionnels pour la mise en place de mesures de régulation de l’accès à ces autorisations de pêche.
  • 6. Les deux cantonnements (Carry, 85 ha, et Martigues, 210 ha) de la Côte Bleue, doublés d’un arrêté du préfet maritime (toutes formes de pêche, plongée et mouillage interdits) ont un niveau de protection poussé ; ces cantonnements sont longtemps restés les deux plus grandes zones ayant ce niveau de protection en Méditerranée française. Parti d’une expérimentation locale, le parc marin de la Côte Bleue a pu mettre en œuvre des solutions qui se sont appuyées sur les intérêts communs de protection de la biodiversité pour des collectivités territoriales (région, département, communes) qui, malgré les échéances électives et des couleurs politiques différentes, ont soutenu cette initiative sur un territoire à forts enjeux économiques et touristiques.

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