Révolution Numérique: Echanges entre Bernard Stiegler et Pierre Laurent, par Yann Le Pollotec*

*Yann Le Pollotec est responsable de la commission Révolution Numérique du PCF.



Le 12 février, devant une salle pleine à craquer, Pierre Laurent secrétaire national du PCF et Bernard Stiegler, philosophe, membre sortant du Conseil national du numérique, ont pris part à un débat passionnant sur la révolution numérique. Pour Bernard Stiegler, cette étape bouleverse toutes les activités humaines et s’inscrit dans cette révolution anthropologique qui participe de l’anthropocène. Comment l’humanité peut-elle combattre la marche vers le chaos qu’engendre l’évolution de l’entropie et faire éclore une véritable néguentropie développant toutes les formes du savoir : savoir-faire, savoir abstrait, savoir vivre, qui regroupent les multiples capacités humaines.
Pierre Laurent a souligné que PCF entendait, en prenant la mesure des bouleversements anthropologiques provoqués par la révolution numérique, travailler avec ceux qui sont les acteurs de cette révolution et se focaliser sur ce qui fait la raison d’être de la politique : la capacité de la cité à se mettre en mouvement pour résoudre collectivement selon l’intérêt général les problèmes qui lui sont posés. Bernard Stiegler parle de la destruction de l’emploi salarié pris en tenaille entre l’automatisation et l’«ubérisation ». Il y oppose l’épanouissement potentiel d’un travail émancipé et permettant à l’humanité de développer pleinement ses capacités créatrices. À cette fin, il propose pour tous un statut de contributeur, rémunéré suivant le mo dèle des intermittents du spectacle, ce qui est en cours d’expérimentation, dans le cadre d’une coopération avec l’Organisation mondiale du travail, sur le territoire de Plaine-Commune. Pierre Laurent a souligné que, pour sa part, le PCF s’appuie nécessairement sur un système de «sécurité-emploi-formation», qui est à préserver au milieu de nombreuses évolutions.
Il a indiqué son accord avec Bernard Stiegler sur la nécessité d’une pensée critique et politique de la Révolution numérique. Il n’y a aucune fatalité à ce que la révolution numérique nous condamne à une société où nous ne serions que de solitaires «entrepreneurs de soi-même».

2 réflexions sur “Révolution Numérique: Echanges entre Bernard Stiegler et Pierre Laurent, par Yann Le Pollotec*

  1. Franchement, il faudrait m’expliquer. Un philosophe, Bernard Stiegler, créateur de l’Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit (l’individu réduit à une technologie, demandez le programme, propos révolutionnaire s’il en est) ose devant Pierre Laurent, Secrétaire national du Parti Communiste Français, sans gêner ce dernier, d’expliquer que le travail salarié est en train de disparaître du fait qu’il est pris entre l’automatisation et l’ubérisation.
    Bref, si on comprend bien, tout est automatisable et l’activité professionnelle ne peut qu’être prévue dans ses moindres détails. L’imprévu n’existe plus et donc l’individu n’a plus à intervenir. Mieux, du fait que ce philosophe prône la technologie de l’esprit, l’esprit devient un processus extérieur à l’individu où l’individu n’est plus qu’un support matériel de l’esprit. Encore heureux que Bernard Stiegler ne propose pas franchement la dissolution de l’individu, ce qui lui aurait demandé de disparaître.
    Le plus sidérant est de le voir considérer une activité professionnelle sur le mode des intermittents du spectacle, ce qui revient à prôner la précarité de l’activité puisque tout salarié n’est plus qu’un intermittent et précarisé car il faut à chaque fois trouver une nouvelle activité pour continuer à vivre normalement sa vie. Tout est provisoire, plus rien n’est durable dans le temps. Et on s’étonne de l’extension des contrats de chantier proposée par l’actuel Président de la République…Cherchez l’erreur!!!

    1. Bonjour,

      Cet entretien public, cette confrontation toute amicale ont été le début des premiers Etats Généraux de la Révolution Numérique (EGRN) organisés pour la première fois dans notre pays par un parti politique, le PCF, ce que tous les invité-e-s et participant-e-s, souvent non communistes, ont tenu à relever et à remercier.

      Les EGRN ont été le moment en plusieurs temps d’échanges multiples, un vaste remue-méninges pour essayer à commencer à appréhender cette notion de Révolution Numérique que d’autres qualifient d’Informationnelle et que pour ma part je préfère appeler pour l’instant Mutations Numériques et Informationnelles (MNI) puisque commencées depuis plus de 40 ans, avec de nombreuses phases successives, de plus en plus profondes au sein de l’ensemble de la société mondiale.

      Dans ces conditions de réflexion, on ne peut pas demander par exemple à Pierre Laurent qui n’est pas un spécialiste de tous ces domaines en évolution permanente de tout connaître pour répondre du tac au tac à tous les propos tenus.

      Il faut que nous apprenions tou-te-s à avoir des débats où il n’est pas nécessaire d’avoir un vainqueur et un vaincu, mais simplement pour chacun-e le sentiment d’avoir progressé dans sa réflexion grâce à ces échanges avec d’autres, et surtout lorsqu’il s’agit d’une première!

      Je n’ai pas souvenir que les propos de Bernard Stiegler ont été aussi tranchants que ce que vous l’écrivez: le salariat est pourtant bien menacé par l’automatisation d’un côté et l’ubérisation de l’autre, et les lois Travail successives existent justement pour désarmer les salarié-e-s face à des évolutions mises en oeuvre par les employeurs dans leur seul intérêt (elles ne tombent pas du ciel et ne sont ni inéluctables ni prédéterminées dans leur contenu et leur forme).

      D’autre part, Bernard Stiegler comme les membres de la Commission Numérique du PCF constatent que le travail intellectuel est aujourd’hui à son tour menacé par l’automatisation grâce aux progrès de l’intelligence artificielle: mais si les employeurs pensent pouvoir remplacer le travail intellectuel, d’autres pensent qu’il devrait être limité à remplacer les taches les plus faciles et à fournir aux salarié-e-s grâce au temps ainsi libéré des moyens de balayer rapidement plusieurs scénarios et/ou d’en approfondir un parmi plusieurs, car effectivement tout n’est pas reproductible à 100% comme voudraient le penser de nombreux employeurs ou dirigeants d’entreprise focalisés sur la recherche du profit maximum pour eux et pour leurs actionnaires.

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