Trente ans après Bhopal, la sûrete : un défi vital ! FRANCIS WURTZ*

Le PCF et la revue Progressistes lancent l’idée d’une journée mondiale de la sûreté industrielle, afin de nourrir la réflexion et les mobilisations autour de cet enjeu majeur.  

*Francis Wurtz est député européen honoraire.

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Francis Wurtz

« Faire du 3 décembre une journée mondiale dédiée à la sensibilisation à la sûreté industrielle » : cette idée, versée au débat par les communistes, mérite d’être soutenue et testée dans un premier temps en France et en Europe. La date retenue correspond à celle de la terrible catastrophe qui, il y a trente ans, a endeuillé la ville indienne de Bhopal et bouleversé le monde entier. Quant à l’initiative suggérée, elle vise à focaliser l’attention, immédiatement puis année après année, sur un enjeu aussi crucial aujourd’hui qu’hier, tant au Nord qu’au Sud. Rappelons les données principales du double scandale de 1984 : celui de l’accident lui-même, fruit de l’irresponsabilité criminelle des dirigeants du grand groupe chimique étatsunien Union Carbide, puis celui de l’impunité révoltante accordée à ces derniers. Ils étaient pourtant bien placés pour savoir que leur usine de pesticides comprenait des cuves remplies d’un gaz mortel susceptible de s’échapper du simple fait d’une valve mal fermée ; que, faute d’une formation adéquate des salariés, faute d’investissements suffisants dans la sûreté et faute d’un système de contrôle rigoureux des installations, des dysfonctionnements et des incidents s’étaient produits de façon répétée dans cette usine, au point d’être progressivement banalisés. De même étaient-ils les premiers informés du fait qu’il n’existait pas à Bhopal de système de gestion des risques industriels digne de ce nom, permettant de protéger la population environnante! Pis : deux ans avant le désastre, ils avaient supprimé, pour cause de rentabilité «défaillante » de l’usine en question, plus de la moitié des postes de travail, rognant par là même encore davantage sur les effectifs affectés à la sûreté de cette production à haut risque. Cette désinvolture a coûté la vie à des milliers de personnes et brisé celle de centaines de milliers d’autres. Quant aux dommages environnementaux, ils se traduisent par la persistance sur le site de milliers de tonnes de produits toxiques, stockés ou enfouis, et une nappe phréatique lourdement polluée. Le P-DG de l’usine n’a pourtant subi aucune condamnation pénale. Il est décédé il y a deux mois, chez lui, en Floride. Contribuer à graver ces faits dans les mémoires en se référant chaque année à ce dramatique 3décembre serait d’abord un acte de solidarité envers toutes les victimes de ce type de catastrophe, au Sud comme au Nord – songeons à AZF! –, sacrifiées, elles et leur environnement, sur l’autel de la course aveugle au profit. Mais surtout faire de la célébration de cette journée un pressant appel au débat et à l’action pour faire reconnaître l’exigence absolue et non négociable que tous les moyens soient engagés pour garantir la sûreté des industries, où qu’elles se trouvent, pourrait aider à faire franchir une étape à cette cause humaine, économique et écologique.

UNE JOURNÉE MONDIALE DÉDIÉE À LA SENSIBILISATION À LA SÛRETÉ INDUSTRIELLE 

Monument en mémoire des victimes de l’accident de Bhopal.
Monument en mémoire des victimes de l’accident de Bhopal.

Cette campagne ne se concevrait que « tous azimuts », sans angle mort. Chaque secteur concerné à un degré ou à un autre par la sûreté doit être examiné, les industries traditionnelles tout comme le nucléaire. Et aucun d’entre eux ne doit pouvoir s’exonérer de ses responsabilités en misant sur les délocalisations dans des régions du monde aux règles moins contraignantes… Il faudrait commencer par réunir des acteurs déjà engagés, parfois de longue date, dans ce combat (car c’en est un) : délégués du personnel et de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; élus investis dans des structures de prévention des pollutions industrielles; militants d’associations de riverains et de l’environnement ; inspecteurs d’installations classées et ingénieurs spécialisés dans ce type de contrôle; médecins, urbanistes, chercheurs ; agents de services publics; représentants de l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut national de l’environnement et des risques (Ineris) ; parlementaires nationaux et européens1… Des acteurs de la prévention des risques industriels majeurs d’autres pays européens et d’autres régions du monde – notamment du Sud – pourraient être associés utilement à cet échange d’expériences. Avec un objectif commun: travailler à un diagnostic partagé et sans concession de la situation présente et à des propositions concrètes dont le plus grand nombre puisse se saisir pour le débat et pour l’action. Pour ancrer dans les esprits cette conviction: trente ans après Bhopal, la sûreté est un défi vital !

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