Transport électrique, Denis Linglin

La mobilité électrique est amenée à prendre une part de plus en plus grande dans nos modes de déplacement, elle est un enjeu de santé publique, écologique et un projet industriel qui heurte l’intérêt des lobbies pétroliers.

La transition énergétique vers une énergie décarbonée se met progressivement en place, au moins en Europe. Deux domaines concentrent à eux seuls une majorité de la consommation d’énergies fossiles (environ un tiers chacun) : le bâtiment et le transport. Dans le premier cas, il s’agit surtout de réduction de consommation par isolation thermique (énergie-chaleur), dans le second il s’agit d’un passage progressif au transport électrique (énergie-travail). Ceci suppose bien sûr que l’électricité soit elle-même décarbonée, ce qui est déjà le cas de 90 % de l’électricité française (nucléaire + hydraulique + nouveaux renouvelables) et nous place dans une position plus facile en matière de facteur 4 que nos voisins européens.

Le transport électrique utilise l’électricité pour réduire ou supprimer l’utilisation de combustibles fossiles embarqués, réduire dans le cas de véhicules dits hybrides, supprimer dans le cas de véhicules dits électriques.

LA VOITURE ÉLECTRIQUE

L’enjeu de la voiture électrique est concentré dans le stockage de l’électricité, la motorisation ne posant pas de problème important. Ce stockage doit permettre un niveau jugé suffisant dans les 3 domaines principaux que sont :

  1. le service rendu, en particulier l’autonomie
  2. le prix
  3. la sécurité. Plusieurs solutions existent.

Les batteries à base de lithium semblent pour l’instant le moyen le plus prometteur et les modèles com- mercialisés aujourd’hui sont basés sur cette technologie. Mais d’autres technologies sont en développement, comme l’hydrogène. Ces batteries pourront-elles respecter les contraintes spécifiques au transport terrestre, contraintes à la fois technologiques, environnementales et surtout économiques ? C’est une autre étape à franchir. Sans oublier les freins mis par la concurrence et leurs lobbys, en jouant sur les normes, les brevets et la communication. Le marché du transport électrique, de par son importance, a peu d’amis et beaucoup d’ennemis. Pourtant, il peut facilement contribuer à réindustrialiser notre pays, la majorité de la valeur ajoutée étant peu délocalisable, contrairement aux énergies fossiles.

Les améliorations à apporter aux batteries sont de quatre ordres :

– augmenter le nombre de cycles de charge/décharge sans dégradation (accroître la durée de vie) et accroître l’énergie massique (le nombre de kWh par kg)

– améliorer les tenues en température

– accroître la sécurité

– réduire les prix.

Personne ne conteste que les améliorations techniques sont soit déjà réglées, soit seront réglées à court ou moyen terme. Il reste les prix et les freins, avec le risque industriel de “se planter”, dans un milieu où le jeu collectif n’existe guère. Regardons alors les prix, sur un exemple didactique mais réaliste de transport automobile individuel : Une motorisation thermique classique de 3000 € est remplacée par une motorisation électrique de 2000€ et une batterie de 6000€, soit 8000€ et donc 5 000 € de plus. La motorisation électrique coûte en effet un peu moins chère tant en fabrication qu’en fonctionnement car plus simple (moins de pièces mécaniques complexes et en mouvement rapide ou à haute température, pas de boîte de vitesses, etc.). Il faut donc amortir le surcoût de fabrication – 5 000 € sur cet exemple – par le moindre coût du fonctionnement, essentiellement l’énergie mais aussi l’entretien. En ne considérant que l’énergie, le véhicule thermique à 5 l/100 km et 1,40 €/l coûte 7 centimes par km, le véhicule électrique coûte 2 €/100 km (15 kWh), soit une différence de 5€/100 km ou 5 000 € pour 100 000 km. Il faut donc au maximum 100 000 km pour amortir le surcoût dès aujourd’hui et ce seuil baissera, à une vitesse qui dépendra, je pense, plus des freins que des progrès techniques. Il faut être lucide : sans ennemis, le transport individuel électrique pourrait déjà être dominant pour tous les transports de la vie quotidienne. En France, ceci concerne au moins 20 des 30 millions de véhicules en circulation et un calcul simple montre qu’il faudrait une dizaine de réacteurs d’un GW (Giga Watt), fonctionnant 8000h/an pour fournir l’énergie électrique décarbonée nécessaire. Exprimé en éoliennes de 2 MW (Méga Watt) fonctionnant 2000h/an, il faudrait installer 20 000 éoliennes et résoudre la question de l’intermittence (stockage), c’est irréaliste pour le moment, tant techniquement qu’économiquement.

LES TRANSPORTS EN COMMUN

Le transport en commun électrique a ses spécificités : ce mode existe depuis longtemps avec une électricité fournie en ligne mais au prix de fortes contraintes d’infrastructures (trains, trams, trolleys). La baisse des coûts de systèmes électriques embarqués permet d’envisager des transports en commun à terme plus souples et moins chers à condition de résoudre la question de leur autonomie. Une des voies explorées est ainsi la recharge rapide aux arrêts : 30 secondes d’arrêt toutes les 2 minutes par exemple, la suppression des caténaires apportant un gain financier et paysager.

DENIS LINGLIN est physicien émérite auprès du CNRS.

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